Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

L'écri-vain et le mouvement citoyen

3 Février 2020 , Rédigé par Hassani Mhamed Publié dans #articles et entretiens publiés, #Tamazight: débats, #articles parus dans le quotidien La Cité, #publié dans Kabyluniversel, #poèsies, #renouveau culturel, #poèsie et arts plastiques

L’écri-vain et le mouvement citoyen

     

 Ma première langue a été pour moi libératrice. L’ayant perdue au profit de la langue française, lors de ma scolarisation en France, j’ai pu la récupérer à 10 ans lors de mon retour définitif en Algérie où j’ai continué ma scolarité. Cette rupture et cette réappropriation linguistique ont été pour moi la plus grande révolution à l’échelle individuelle. Ma deuxième révolution, c’est de passer de l’oral à l’écrit dans ma langue première au début des années soixante-dix. Exprimer toute ma vision en kabyle durant mes vingt ans m’a suffi pour ne plus me sentir redevable à quiconque de mon identité. Ma langue a toujours porté mon discours d’insoumission et de révolte dans ma jeunesse. Parce que je considère que toute greffe de modernité sur notre société doit passer par la langue première. La dictature éclairée de Boumedienne avec ses brassages de population et sa politique de division, n’a fait qu’allumer les brasiers de notre future discorde, sans jamais entamé le socle de notre africanité et de notre berbérité qui ressurgit de plus belle avec le mouvement du 22 février.

    Ma prise de parole au présent, c’est pour dire qu’il nous appartient à chacun de se libérer lui-même de toutes les entraves qui l’empêche d’arriver à soi. Cet élan vers nous-même est l’essence de toute évolution pour ne pas dire révolution.

    Parler de tamazight sans état de droit ne répond pas à mes questions. Il s’agit de garantir tous les droits humains (dont le droit linguistique) à tous les citoyens de ce pays. Une langue qui ne se développe pas dans le combat citoyen risque d’enfanter autre chose qu’un état de droit.

   Parler de révolution sans voir les milieux du travail bouger, devient problématique. Il nous appartient de reprendre l’initiative dans tous les espaces de production.

   Le mouvement citoyen est le creuset de la révolution citoyenne qui doit irriguer toute la société dans sa composition et sa diversité.

   Alors que chacun joue son rôle, là où il est actif, il doit se remettre en question et travailler à l’union pour le changement vers le meilleur.

  Les travailleurs de tous les secteurs doivent se questionner et trouver le déclic pour une meilleure organisation de leur force. Il n’est pas interdit de s’informer individuellement et collectivement pour accéder à une réelle citoyenneté.

  Dès octobre 1988, comme je le disais ailleurs, cette ouverture forcée a permis la libération de toutes les tendances enfouies cachées ou emprisonnées. Nous n’avons pas su canaliser nos énergies et positiver nos diversités devant le pouvoir malsain de la rente qui nous dispense de réfléchir et de produire. La course à la rente a fait éclater tous les consensus, laissant la voie au système pour se régénérer de plus belle jusqu’à revenir à la case départ et même pire qu’avant.

Le large tissu associatif, né de cet élan, s’est vite auto-condamné parce que piégé de l’intérieur, comme tout ce qui s’est créé en cette période : partis politiques, syndicats…

À chaque pas, c’était le contre-pas du pouvoir en place. Et nous avons piétiné nos propres idéaux. Beaucoup diront qu’ils ont avancé et faits des acquis, mais, ils ne parlent que de leurs acquis personnels oubliant la masse de la société marginalisée.

Et à chaque fois que la masse bouge, l’élite trébuche, parce qu’elle n’était pas à l’écoute. S’il y en a qui étaient à l’écoute, ils n’ont pas l’endurance ni l’expérience du peuple dans son entité, du peuple qui a survécu à tous les coups tordus de l’histoire.

Que le peuple s’exprime et l’élite devient muette. On nous rabâche que le 1er novembre 54 s’est fait par une poignée d’hommes, sans nous dire que cette poignée d’hommes n’a jamais baissé les bras ; ils ont maintenu leur objectif, malgré toutes les entraves, jusqu’au point de basculement vers l’indépendance physique du pays.

C’est la mission qui incombe aux inconditionnels du mouvement citoyen du 22 février : maintenir la cadence et le cap jusqu’au basculement vers la nouvelle république et l’état de droit.

Et le mouvement citoyen est assez riche de citoyens militants honnêtes et engagés qui iront jusqu’à ce point de basculement.

Les sociétés ont toujours eu des leaders pour avancer. Mais les sociétés ont évolué et ont compris que seuls les grands mouvements peuvent faire avancer la totalité de la société. Chose difficile à admettre par beaucoup d’élites pressées de rentrer dans les rangs des nouveaux maîtres.

Le choc du futur s’annonce difficile si la réaction des peuples n’est pas à la hauteur de l’enjeu planétaire. Ils risquent le déclassement de leurs continents en réserve de matière première pour alimenter les industries modernes des pays dominants qui n’ont besoin que de consommateurs (les peuples de ces continents) et de l’élite, d’où la mise en place d’une émigration sélective et de concentration de nid de violence dans nos continents pour occuper et maintenir ces populations dans la misère économique et sociale à travers les despotes locaux.

L’écri-vaut pour le citoyen par son retour à l’oralité. La citation verbale et les slogans sont une économie de langage comme seule la sagesse populaire peut nous en dicter sans trop parler.

L’écri-saint est le retour en force de la débauche des esprits pervertis que la lumière avait chassés. L’oralité agressive des mosquées est un puissant lave cerveau qui nous empêche d’entrevoir une paix citoyenne.

                L’écri-tôt sert de réveille-matin pour les oublieux de l’histoire et les friands de mémoires. C’est l’avenir qui parle au présent de la marche du temps et condamne l’inertie des sociétés soumises à l’éternité des cieux.

Mhamed Hassani

Écrivain

 

                         

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
Mouvement épique<br /> Époque despotique<br /> De Nation à République en passant par Bastille<br /> D’Alger à Alger<br /> D’une frontière à l’autre<br /> Les marcheurs tournent en rond<br /> La manif s’arrête<br /> Reprend le quotidien<br /> Le sale turbin<br /> Recommence les mêmes jours<br /> Subit les mêmes nuits<br /> L’insomnie sans rêve<br /> L’immobile destin<br /> Mais le mouvement terrestre<br /> Entraîne tous les pays<br /> La farandole de la joie<br /> Quête les cieux<br /> Et balaye dans sa marche<br /> Toute misère<br /> Abandonne la guerre<br /> Les bras nus embrassent<br /> La paix qui vient<br /> <br /> Personne ne veut la guerre à personne<br /> Aucun peuple n’en veut à un autre<br /> Les peuples solidaires<br /> Font le tour de la Terre<br /> Les peuples fraternels<br /> Marchent sous le même ciel<br /> Otages des salopards<br /> Prisonniers de la force<br /> Leur faiblesse ne tient qu’à elle<br /> Mais le dur désir de donner<br /> Se bat contre la cupidité<br /> Mais la faim de tout connaître<br /> N’a pas la curiosité pour naître<br /> Marchant d’un extrême à l’autre<br /> S’amènent les nouveaux apôtres<br /> Pires que l’un et l’autre<br /> Les peuples rentrent au bercail<br /> Troupeaux soumis vaille que vaille<br /> Échangent un drapeau pour un autre<br /> Les salauds se vautrent<br /> Dans le sang des humains<br /> Des humains qui prêtent leurs mains<br /> Au crime de Caïn<br /> Au geste historique
Répondre