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Enferment évolutif 2 Le couple de pigeon

19 Avril 2020 , Rédigé par Hassani Mhamed Publié dans #articles parus dans le quotidien La Cité, #articles et entretiens publiés, #publié dans Kabyluniversel

 

Le couple de pigeons

     

     

     J’en viens à l’objet de mon propos. Oui, je voulais parler de ce couple de pigeon qui vient d’élire domicile dans la cage d’escalier ; sur un bord de quelques centimètres, il a bâti son nid. Je m’en suis rendu compte hier matin. C’était mon jour de sortie pour les commissions. Je les ai trouvés affairés quand ils m’ont vu sortir, du néant pour eux, ils se sont arrêtés, m’ont scruté un bon moment où j’étais moi-même figé. Quand ont-ils eu le temps ? Me dis-je surpris. J'ai appelé ma femme et lui montrais l’œuvre. Elle s’est exclamée : ils vont nous salir la cage ! Bien sûr, elle pensait cage d’escalier, mais le fait qu’elle s’arrêta là, me fit rire à l’intérieur : oui, il s’agit bien de cage pour nous. Eux, ils s’en servent seulement pour se reproduire. Elle m’ordonna de le détruire avant qu’elles n’y mettent leurs œufs. Elle me ramènea un balai. Dès mon geste vers eux, les deux pigeons battant des ailes, sortirent par une ouverture provoquée…

          Une autre histoire de voisin de palier. Un émigré qui a racheté ce logement pour y passer ses séjours au pays. Originaire des hauts plateaux, il ramène sa famille périodiquement aux vacances d’hivers, printemps et été. Et aux dernières vacances d’hiver, il s’est mis en tête de réchauffer son appartement au gaz de ville, moins cher que l’électricité. Il cassa son mur donnant sur la cage et mena son tuyau d’évacuation jusqu’à la façade extérieure qu’il dut casser aussi. J’étais arrivé au mauvais moment. Je me mis en colère en lui expliquant qu’il n’avait pas le droit de toucher aux parties communes ! Et j’ajoutais « pourtant vous revenez d’un pays où ces choses-là sont strictes ! » Il me dit qu’il n’avait pas pensé à ça, qu’il n’allait pas le faire, qu’il annulait cette perspective. Il abandonna l’ouverture pratiquée sur la façade extérieure, béante, ramassa ses échelles et ses marteaux et je ne l'ai plus revu depuis.

          Et aujourd’hui, les pigeons s’y glissent à chaque saison. Je les chasse quotidiennement les empêchant de nicher. Cette année, ils ont profité de ce confinement pour me prendre de vitesse. Donc je détruis le nid de broussaille, une fois les pigeons partis.

           Vous voyez, en temps de confinement tous les détails remontent en surface. Les histoires de voisins, de pigeons, de mendicité et d’insécurité. Bah, la mort qui nous attend se fait oublier grâce à ces détails.

           Je reviens à l’essentiel de cette chronique, les pigeons dont on a détruit le nid dans la cage d’escalier.

         

  Le lendemain après-midi, ma femme s’aventure sur le palier à mon insu, ce qui est rare depuis cette pandémie. Elle m’appelle, scandalisée, pour me dire : regarde ! Les pigeons ont reconstruit leur nid et il y a déjà un œuf pondu !

           J’arrive et constate la chose. Vraiment surpris de la diligence de ce couple ailé. En vingt-quatre heures, tout est remis en place et l’œuf en plus. Ma femme, très superstitieuse et respectueuse de la vie, m’ordonne de laisser la couvée se poursuivre, puisque la chose est faite. Au fond de moi, j’en ris, émerveillé par ce couple têtu. Nous retournons dans notre cage, laissant le couple roucouler, à son aise.

 

Avril 2020

Mhamed HASSANI

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