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André Moumen Achour, 3ème partie: Migrance.

6 Mars 2021 , Rédigé par Hassani Mhamed Publié dans #articles et entretiens publiés, #poèsie et arts plastiques, #publié dans Kabyluniversel

       Lors de nos pérégrinations parisiennes, je surprenais souvent André en train d’esquisser des formes sur son carnet ou… bizarrement, dans l’espace. Quand il croisait mon regard curieux, il me disait, dans un roulement de tambour lointain « Ce visage, je peux le faire d’un trait ! »

André Moumen Achour en pleine performance lors de mon café littéraire à "L'impondérable" Paris 2018

            Je ne sais pas pourquoi, il trouvait mon visage compliqué : il y trouvait trop d’émotions instables ou d’inquiétudes déstabilisantes. Il me rate à chaque fois, jusqu’à la réalisation de mon buste. Ce jour-là, il s’est esclaffé : je t’ai eu quand même !

Migrance

            Cette fin d’année 2017 et début 2018 m’ont surpris avec leurs neiges à Paris. Je me suis laissé vivre aux plaisirs du froid parisien, façon de pousser plus loin mes désirs de sensations nouvelles. Pousser le corps au-delà de ses limites habituelles. Le sentir s’adapter en frissonnant de plaisir. J’imagine les siècle obscurs que l’homo sapiens a traversé avant d’arriver au système de chauffage moderne. Paris et son réseau souterrain sont une aubaine pour les migrants des continents chauds.

            Migrant. Le mot est lâché. Des étendues océaniques traversées par des barques aléatoires. Des peuplades en dérive continentale. J’ai rendez-vous avec mon ami, l’artiste plasticien André Moumen Achour. Il m’avait annoncé avec grande pompe qu’il vient de récupérer les clés de l’atelier de son ami Diop Diadji. Un grand artiste originaire du Sénégal, parti dans son pays d’origine, pour une biennale. Moumen voulait en profiter pour lancer le projet artistique qu’il porte en lui depuis quelques mois. Neuf mois ? Lui dis-je en éclatant de rire ! Tu peux le dire me rétorqua-t-il, le regard brillant. Je vais enfin le réaliser, si tu veux m’accompagner dans l’accouchement ! Éclata-t-il encore une fois ! On était vraiment heureux et complice !

            On se retrouva gare de Joinville pour prendre le RER et d’autres correspondances, à travers un monde blanc et les flocons de neige qui continuaient à voltiger dans les airs. Je me sentais joyeux, comme un enfant échappé de son quotidien.

            Arrivé devant un portail métallique, Moumen ouvrit une serrure et nous voilà à l’intérieur d’un jardin avec villa en étage et au fond, l’atelier. Nous allâmes directement dans ce dernier pour allumer le feu, c’était l’urgence.

            À l’intérieur, on était vraiment dans un atelier de sculpteur. Pour la première fois, j’entrais dans l’antre d’un sculpteur. Des statues, des figurines me regardaient et je ne pouvais m’empêcher de courir vers elles, pour les toucher, les caresser, les inviter à m’accepter et me parler.

            On situa rapidement le poêle à bois. Moumen se met sur le champ à l’œuvre pour ramasser tout ce qui peut faire feu. Bois, planches… Tout y passa. Moi, je tournais toujours d’étagère en étagère, puis je scrutais les outils du sculpteur accochés sur toute la surface d’un mur. Le sculpteur est un véritable manuel, un ouvrier polyvalent… Et c’est ce qui me fait rêver devant tous les artisans que je connais au pays. L’étincelle qui brille dans leur regard quand ils approchent de la perfection.

Moumen m’appelle : le feu est allumé, viens te chauffer !

J’étais figé devant une affiche montrant la sculpture d’un nageur qui sortait de terre, ramant d’un bras. Cette statue me rappelait quelque chose. Me voyant absorbé, Moumen m’éclaira : c’est la statue du Nageur, devant la porte dorée. Oui ! Je l’ai vue ! m’exclamais-je.

Oui, c’était l’œuvre de Diope, le propriétaire de l’atelier.

Le feu allumé, Moumen se frotte les mains, le regard brillant posé sur un grand cube de polyester blanc. Il s’avance vers lui, le tapote tourne autour… Je lui demande :

  • C’est quoi ?

  • C’est du polyester que je vais tailler pour gagner du temps et économiser l’argile.

  • Comment ?

  • Tu vas voir. Je vais le dégrossir, jusqu’à avoir un ballon et je vais le finir avec l’argile.

  • Mais c’est quoi la forme finale ?

  • Je ne l’ai pas dit ? C’est le globe terrestre ! L’être humain ne sait pas où il va tomber, naître, mais peu importe, les événements le mèneront à travers le globe…

 Dans ma tête, l’arche prend forme… Un seul mot recouvre la future œuvre en gestation devant mes yeux : MIGRANCE. 

            à suivre

 

Mhamed Hassani

Poète dramaturge romancier

Chroniqueur culturel

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