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articles et entretiens publies

Le 29 juillet 2017 est une belle dat(t)e

7 Août 2017 , Rédigé par Hassani Mhamed Publié dans #articles et entretiens publiés, #articles parus dans le quotidien La Cité

 

Le 29 juillet 2017 est une belle date, paraît-il, moi je doublerais bien le t, pour vous l’offrir en régime. Comme en ta mazight, on ne distingue pas le t et le th ni le v du b encore moins une liaison d’un état d’annexion ou encore un infinitif d’un verbe conjugué ! On ne se reconnaît même pas le droit d’avoir un article alors qu’on l’utilise clandestinement pour faire un dictionnaire ! Mon ami Lehsen Bahbouh, mort d’avoir trop rongé son frein, doit se marrer dans sa tombe pendant que ses travaux dorment dans une mémoire virtuelle. J’avoue que je me sens un peu perdu entre l’élan constructif d’une citoyenneté réveillée et le tournis dervichique de nos élites !

Bah, rien à récupérer donc une perte sèche ! Puis arrive de loin un relent de tempête merdique qui nous rappelle une autre époque ! Vaut-il mieux se tromper d’époque et rester naif, que se tromper de concitoyens et adopter un langage d’oiseau exotique ?

Je ne vous dirais pas le fond de ma pensée, je vous laisse gigoter à son bout !

Je parle de la marche du 29 juillet 2017 à Aokas que nous avons tous savourée mais que nous ne savons pas trop quelle suite lui donner ? Comme notre indépendance, faut-il peut-être la confisquer ?

Un café s’en est suivi et nous sommes tout surpris de ne pas se faire tabasser, ce qui rend moins intéressante la lecture. Et puis c’était comment vendre une télé, même pas un livre !

Puis l’annonce tonitruante d’un baroudeur oublié qui veut ressusciter !

Nous sommes vraiment en perte de repère constructif, notre présent ne nous plaît pas, notre passé nous répugne et notre avenir nous irrite !

Que faire ? Nous ne faisons que du remplissage de temps en croyant sauver notre identité alors que nous nous gargarisons de mots, incapables de nous supporter un moment en se taisant, en s’écoutant respirer, exister, vivre ! Non, il nous faut jacasser sur notre condition d’enfant abandonné qui rejette toute paternité parce que nous avons été trompés plus d’une fois. Alors on dit qu’on est né d’une masturbation de l’histoire, sans géniteur ! On se construira, tout seul, un monde à notre convenance qui nous ira si bien ! Alors, chacun se reconvertie en maçon et oublie de vivre ! On a l’impression de revivre sans arrêt une crise d’adolescence ! On se révolte contre tous et tout : on se prend tous pour des électrons libres et nous clamons notre irrésistible désir de vivre ensemble pendant que nous refusons toute concession à autrui et que nous exigeons la reddition sans discussion !

Vous voyez que moi aussi je peux disserter sur nos tares et psalmodier nos dérives : ça ne changera rien à nos déboires ! L’ennemi reste le même et sa tactique kif-kif ! Rien de nouveau sous le ciel d’Algérie !

On découvre nos vingt ans à la retraite et on exige du monde qu’il les respecte, oubliant ceux qui ont vingt ans aujourd’hui ! Tout le monde se met à jacasser parce qu’il a découvert la parole dans le tard.

Y en a qui se veulent éclaireurs, d’autres baroudeurs, d’autres enquiquineurs, et moi je ne veux plus jouer mais vivre mon troisième âge à contempler mon amour refleurir sur les bords de routes de plus en plus pollués.

 

Mhamed Hassani

Poète citoyen

 

 

 

                                           

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Azdine le briseur de guitares

18 Juin 2017 , Rédigé par Hassani Mhamed Publié dans #articles parus dans le quotidien La Cité, #articles et entretiens publiés

À Azdine[1] le briseur de guitares

Ami de jeunesse et cousin dans l’art. Nous sommes les Icare de notre époque que l’ivresse à emporter sur ses ailes, loin de la terre, sans jamais atteindre le soleil.

On a beau dire de toi ce que tu n’es pas, rares sont ceux qui savent qui tu es. Au fond de ton regard meurtri, le va-et-vient des vagues des jours n’a déposé qu’un relent d’amour, transparent comme une eau-de-vie.

On usait de toi sans te nourrir, comment survivre à cette anémie affective ! Tu leur as si bien dit : si j’avais su que vous m’aimiez tant, je me serais entretenu pour vous faire plaisir. Toute la situation de l’artiste est là, résumée au bord du gouffre. On nous aime quand c’est trop tard, quand ils ne peuvent plus s’engager avec nous.

Tu t’es consumé pour atténuer les douleurs des amoureux du Sahel. Ta flamme brûlait la broussaille des archaïsmes pour crier haut les brûlures des amours interdits.

Nous chevauchions ta musique dans les nuits alcoolisées de notre jeunesse partagée entre le Cap, la Grotte et le Sable d’Or, ce triangle des Bermudes qui a englouti nos rêves précoces.

Soirées mémorables qui avaient introduit la modernité dans les fêtes de mariage. Déplacer le centre d’intérêt du cercle féminin vers la cadence masculine. Une révolution dans les mœurs. On croyait voguer vers la libération complète.

On refaisait nos amours en dansant et on se consolait mutuellement de nos déboires. Tu avais ton idylle à proximité ce qui excitait les fils de ta guitare, j’avais la mienne au-delà de tadart ce qui accélérait la cadence de mes pas. Pendant que tu chantais la blonde aux cheveux jaunes, j’écrivais ma rouquine aux yeux pétillants.

Tu avais un soleil pour te griller publiquement, j’avais une colombe pour m’exiler au de-là du tunnel. Nous rentrions au petit matin à pied en chantant, laissant la vague soupirer profondément comme une mère désespérée devant l’étourdissement de ses enfants.

Azdine l’homme aux innombrables guitares brisées sur les chemins nocturnes qui nous ramenaient vers Tadart, cette ogresse aux seins énormes.

Azdine prisonnier de Tadart n’arrivera pas à s’en arracher. Tous partirent vers des destins autres, lui s’éternisa à changer de guitare au lieu de fuir la malédiction. Il s’éternisa dans cette baie jusqu’à en être le symbole, remplaçant le requin échoué sur la plage. Il a fini par imprimer sa silhouette en bord de mer.

C’est là que je l’ai aperçu la dernière fois, quelques jours avant sa brusque hospitalisation. Il était debout face au large de la Méditerranée, à proximité des faux requins piégés par une inspiration mercantile. Je passais sans m’arrêter, obnubilé par mes préoccupations d’un voyage incertain, comme une fuite programmée. À plusieurs reprises, nous nous sommes promis de faire une halte pour une introspection artistique. Ses yeux brillaient d’espoir. Mais, le temps, ou autre chose, se mettait en travers de ce sincère désir, d’écouter mon ami de jeunesse me conter son rêve escamoté par la malédiction de cette baie des requins qui boude ses enfants. Il refusait de se confier à quiconque mais avait accepté ma proposition.

Faire le point. Voir ce qui peut être sauvé, greffé, réanimé. De report en report la rencontre n’eut jamais lieu. Et son départ se fit alors que j’étais loin.

Et par mon incessante mobilité, qui faisait de moi le sauvage de la tribu, je perdis encore une source d’inspiration. Ce n’était pas la première fois, cela m’était déjà arrivé avec d’autres proches. Et à chaque fois j’ai culpabilisé. Beaucoup partent avec leur richesse au fond du regard. Il est vrai que nous ne pouvons tout retenir d’un être… Mais la société devrait s’organiser pour en cueillir le maximum. Du moins l’essentiel.

Azdine, tu as fini par casser définitivement ta guitare, on a beau essayer de te la remplacer par un Aoud, plus rien ne répondait à ton inspiration. Tu avais tout dit en quelques chansons, et le reste ne t’intéressait plus. On ne faisait que puiser en toi, mais personne ne te nourrissait. Tu étais l’homme d’un seul amour. Tout le monde l’avait compris mais ne pouvait rien faire. L’histoire d’Hélène se répète mais ne se ressemble pas. Déjà adolescent, je me révoltais contre le sacrifice d’Iphigénie. C’était ma première pièce de théâtre.

Azdine fut aussi, pour moi, un personnage de théâtre. Dans l’une de mes premières pièces des années soixante-dix où je voulais mettre en abîme les sources de notre pratique théâtrale, j’avais conclu que le chanteur était la pièce maîtresse de l’évolution des formes archaïques de nos jeux dilués dans nos tâches quotidiennes. Le chant se détachait enfin du travail et devenait autonome, il quittait le rang des moissonneurs pour rejoindre le cercle des maraudeurs. Le jeu théâtral aussi quittait les joutes festives pour rejoindre la scène. J’aimais bien écouter nos chanteurs locaux et nos mères conteuses, je sentais qu’il y avait bien une particularité propre à la communauté du Sahel. Et ça m’inspirait. Parce que cette particularité faisait notre universalité, notre authenticité. Par le théâtre je faisais entrer les personnages autour de moi dans la littérature berbère qui s’élaborait à l’ombre de la dictature. Et Azdine a bien été un de mes personnages dans la pièce « Iwredjej, la cigale » que j’espère monter en son hommage dès que possible.

Le cap, la grotte, le sable d’or ; une guitare une blonde et une colombe ; YemmaTadrart n’a rien pu faire pour ramener Hélène de Troie vers Ithaque. Et les aventures d’Ulysse ne dépassèrent jamais le triangle maudit où le cyclone veille toujours sur le troupeau.

Comment échapper à ce triangle infernal si ce n’est par les airs ? Mais comme Icare il fallait avoir un père ingénieux et un destin fabuleux.

Comment ramener Hélène de ses rêves prestigieux ? YemmaTadrart resta muette et la tribu, débordée, laissa s'échapper l'insoumise, plongeant le troubadour dans un combat inégal. Notre Hélène était une adepte de Prométhée, elle vola le feu et incendia l’obscurité.

Et Hélène se fit oublier jusqu'au jour de la chute d’Icare. Le monde se rappela la morsure et oublia le feu.

Partir à la conquête du feu, c’est creuser un autre tunnel pour échapper au cyclope « Bou yiwet n tét ». Le troglodyte surveille l’unique issue dévorant un par un les récalcitrants du troupeau.

L’autre issue, pratiquée par les plus désespérés, c’est de prendre son envol du sommet de YemmaTadrart et comme Icare se fracasser au pied de la montagne : avoir le mérite d’une brûlure du soleil et se rouler dans la vague caressante de la mer du centre, au pied de la montagne sanctifiée mais impuissante.

Ici se termine mon conte et commence la réalité :

Nous ne traverserons donc jamais ce maudit tunnel ? Pourtant…

 

Mhamed Hassani

Poète et dramaturge

 


[1] Azdine Berkouk est un chanteur compositeur et interprète populaire de la région d’Aokas originaire du même village que l’auteur. Il est décédé le 26 avril 2017 à l’âge de 60 ans, laissant deux ou trois cassettes de chanson. Prise de vitesse par sa disparition, la population d’Aokas et de ses environs tenta de se racheter en lui rendant un vibrant hommage.

 

Azdine le briseur de guitares
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Ahellil n tira, gar yîtelli d u ass-a

4 Mars 2017 , Rédigé par Hassani Mhamed Publié dans #articles et entretiens publiés

Ahellil n tira

Du ballet des écritures

 

Dès ma prise de conscience que ma langue maternelle pouvait mieux exprimer mes états d’âme, je me suis mis à la transcrire dans les alphabets à ma portée. L’écriture chez moi découlait de la nécessité de visualiser mon état. Le penser ne me suffisait plus. Il me fallait le voir comme disait le poète, le voir, le sentir, le toucher pour ensuite le goûter.

Puis ce questionnement incessant sur l’inexistence de l’écrit dans ma langue maternelle.

Puis la découverte des isefra de Si Mouh ou Mhend à travers le livre de Mouloud Feraoun…

Mais le déclic est arrivé avec la découverte du TIFINAGH qui arrivait de nulle part. La clandestinité allait bien avec notre identité enfouie sous les apparences tapageuses du présent révolutionnaire des années soixante-dix qui préparaient l’homme nouveau !

Je me souviens que mes premiers textes étaient poétiques et théâtraux. Je me souviens que j’apprenais le tifinagh à des amis analphabètes et qu’ils l’apprenaient avec un plaisir jubilatoire, eux qui n’ont jamais été à l’école. Ils l’apprenaient les yeux scintillant en me disant « donc je peux écrire ce que je dis et ce que je pense sans connaître l’arabe ou le français ? Ils étaient emportés par cette possibilité de vivre en dehors de l’arabité et de la « francisité » ! Vivre librement sa berbérité son amazighité sans transiter par une autre langue, un autre miroir déformant, librement sans subordination aucune !

Ce poème Ili ! Né dans la tempête du printemps berbère de 80 résistera à l’oubli et au temps grâce aux caractères tifinaghs puis aux caractères latins.

Vivre pour lui, c’est ce va-et-vient entre l’oralité et l’écrit, cette dialectique du vent et de la matière qui sauve de la momification. L’un ne devrait pas se passer de l’autre, quand il y a rupture le danger de disparition pointe à l’horizon.

Vivre, pour ce poème c’est toujours passer d’un état à l’autre, de l’oral à l’écrit, de l’écrit à l’oral, d’une personne à une autre, un voyage incessant qui se passe de son premier locuteur, pour se fondre dans une nouvelle langue et revenir féconder le premier geste au coin du feu.

Donc ce n’est qu’à partir du moment que notre parole écrite passe dans une autre bouche et se passe de son premier émetteur qu’on est libéré de son angoisse. Quand l’autre se saisit de notre parole, il est temps d’avancer vers d’autres rivages libérés…

Livre présent

Livre ouvert

Livre livré au vent, livre agissant, livre vivant… Écoutez ces voix juvéniles et dites « ILI !koun ! sois ! » et dans toutes les langues.

 

Bgayet mars 2017

Mhamed Hassani

 

Ahellil n tira, gar yîtelli d u ass-aAhellil n tira, gar yîtelli d u ass-a
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Café téméraire avec Chawki Amari

18 Mars 2015 , Rédigé par Hassani Mhamed Publié dans #articles et entretiens publiés

Café téméraire avec Chawki Amari

(Café littéraire de Bejaia du 14 mars 2015)

Chacun a pris son âne pour aller à la rencontre de Chawki Amari[i], l’invité du rendez-vous des lettrés à Bejaïa, sa wilaya d’origine, pour débattre de son dernier livre « l’âne mort », édité par Barzakh en 2014.

Mais comme la métamorphose de Lucius en « âne d’or » dans le roman éponyme d’Apulée de Madaure ou Afoulay de M'Daourouche,[ii]du côté de Souk-Ahras, les Chawki qui se cachaient derrière Amari, se sont donnés rendez-vous à Bgayet, plus exactement au TRB, pour prendre un café téméraire en compagnie de sa famille de naissance.

Il faut dire qu’il n’a pas choisi de se faire accompagner par Chawki le chroniqueur ou Chawki le romancier ou le caricaturiste, l’illustrateur ou le cinéaste, encore moins le géologue. Il est venu en famille et comme Amari est un bon chef de famille, il les a alignés sans distinction aucune, sur les planches du théâtre régional de Bejaïa : au bon public bougiote, sage et discipliné, de choisir son interlocuteur.

D'ailleurs, Amari l’a déclaré d’entrée de jeu. Qu’on en juge par ces quelques morceaux choisis:

Café téméraire avec Chawki Amari

Sachant que la littérature ne fonctionne pas chez nous, que personne ou pas plus de 10% n’a lu mon roman, ce «hmar meyet » que j’ai poussé d’Alger jusque dans mes montagnes natales, je sais que vous allez me poser toutes les questions politico-philosophiques, mais aucune sur mon livre, alors je vous laisse le soin de me déclarer la guerre. Même si l’animateur est gêné, je dirai tout, même la soirée bien arrosée que l’on m’a fait passer au risque de me faire rater ma chronique de demain. D'ailleurs, vous avez raison, pourquoi lire mon roman ? À moins d’être un âne, et je suppose que dans la salle, vous avez compris qui sont les ânes. Mais bien sûr, les gens du DRS qui cherche midi à 14h pour vous inculper de tous les maux de l’Algérie, ce pays qu’ils sont les seuls à aimer!

Non, cette histoire d’âne mort est très sérieuse, c'est même une fiction réelle que j’ai expérimentée. Un âne mort pèse plus lourd qu’un âne vivant ! Dites-moi pourquoi et je ne saurais vous répondre. Essayez de faire bouger un âne mort, trop lourd, mais un âne vivant si, malgré sa résistance, il bouge ! Alors qu’on ne me dise pas que je fais allusion au pouvoir en place ! Ah non ! C’est une histoire sérieuse qui a démarré avec le premier romancier du monde qui est de ma famille. Cet Apulée, qu’on appelle Afoulay dans la famille, était un brillant touche-à-tout, comme moi, oui depuis ces temps romains ou l’âne d’or est né d’une métamorphose fictionnelle sous l’influence d’un cerveau amazigh qui transcrivait ses élucubrations en latin pour que sa famille ne le comprenne pas ! Vous vous imaginez raconter cette histoire en amazigh au coin d’un kanoune ? H’chouma, non ? Aghyul hacha-k nig lkanoun ? Vous risquez d’être exilé, excommunié, mais en latin ça passe ! Eh bien c’est ce que j’ai fait moi aussi, aujourd’hui.

Je parle kabyle et même arabe derdja, mais j’écris en français ! Parce que peut-être, mes premières lectures romanesques se sont faites en français comme Apulée a surement lu des textes en latin ! Imaginez depuis ce temps le chemin parcouru par l’âne, cet illustre animal, le plus intelligent d’ailleurs ! N'est-ce pas qu’il a contribué à bâtir la civilisation kabyle dans les montagnes et même la casbah d’Alger ? Malheureusement, lors de mes dernières pérégrinations à travers la Kabylie, à la recherche du dernier âne que je voulais racheter comme on rachèterait le dernier esclave pour lui rendre sa dignité, je suis arrivé un peu en retard, à cause de l’autre âne mort qui encombrait les autoroutes. Je suis arrivé au moment où son propriétaire le basculait du haut d’un ravin parce qu’il était trop vieux et devenait une charge ! Et puis, il avait une patte cassée, se justifia le propriétaire pour se consoler de l’affaire qu’il venait de rater ! Quelle malchance ! Je devais vous faire la démonstration de l’âne vivant qui est plus léger que l’âne mort qui encombre toutes les autoroutes et nous empêche de sauver le dernier âne de Kabylie ! Ne me dites pas que je parle encore du pouvoir en place ou de la méchanceté des Kabyles qui battent les ânes et même leur femme !

Bon, mon histoire d’âne mort ne veut pas avancer, alors d’autres questions qui vous intéressent ?

La dernière fois, on m’a invité à un café maure pour ne pas dire vivant, dans un village de haute tenue. On m’aime bien dans les hauteurs, je ne sais pas pourquoi, alors la salle était pleine d’hommes et les femmes au foyer. On m’a posé trois questions et la salle s’est vidée !

La première : y a-t-il infiltration du DRS parmi les journalistes ? J’ai répondu surement!

La seconde : Est-ce que vous les connaissez ? Non, mais j’en soupçonne quelques-uns !

La troisième : Vous pouvez nous donner des noms ? Je ne peux pas, je ne suis pas sûr !

Alors, ils se levèrent, quittèrent la salle, convaincus que j’étais un élément du DRS !

Alors des questions de ce genre ? ».

Le public déborda dans ce sens, religion, amazighité, opposition, égalité des sexes… reléguant tous les Chawki en arrière pour que Amari le chef de tribu élu par le public puisse exprimer le mal vivre de tous les Algériens !

Alors, le public aura droit à des fatwas amariennes telles que (j’en rajoute peut-être un peu ?):

- Si le sens interdit existait dans le coran, il ne serait jamais violé ;

-Si Apulée avait écrit son roman en tamazight, on n’aurait jamais été colonisé autant de fois ;

-Si on a battu nos femmes depuis tellement longtemps, pourquoi s’arrêter maintenant !?

-Le Bon Dieu ne peut pas être méchant au point de nous envoyer rôtir en enfer quels que soient nos pêchés !

-Enfin, il conseille à son public d’acheter l’âne mort qu’il est venu leur refiler (pas celui qu’on a fait tomber de la falaise). Achetez-le, vous n’êtes pas obligé de le lire !

De l’avis du public, Amari et toute sa tribu Chawki, est d’utilité publique et un géologue compétent, ne serait-ce que pour seulement avoir trouvé une inspiration bien de chez nous : rak tebbaâ hmar meyyet ya kho!(t’es en train de pousser un âne mort !).

Et n’allez pas répéter qu’il critique le pouvoir en place ! Puisque tout dépend de la place où vous êtes : âne ou pousseur ?

Notre Chawki chroniqueur a bossé pour le Chawki romancier, Amari gère bien sa tribu. La chaine des lecteurs potentiels pour acheter « l’âne mort » aurait surement concurrencé « l’âne d’or », et Apulée aurait-il demandé une dédicace à l’auteur d’aujourd’hui ?

Combien de siècles se sont écoulés pour que « l’âne d’or » meure dans la capitale de l’Algérie d’aujourd’hui ? Mort en passant d’une langue à une autre sans transiter ne serait-ce qu’une fois par la langue des autochtones !

Maintenant que j’ai fini ce papier, je vais me mettre à lire « l’Âne mort » et revisiter « l’Âne d’or » ! Tout ce retard, parce qu’il m’a fallu trouver l’astuce pour le lire gratuitement, c’est fait. Une question qui pèse lourd d’après « l’Âne mort ». Bonne lecture, même si au début, vous serez obligé de pousser un peu. Vous savez un âne mort…

Mhamed Hassani

[i] Chawki Amari, géologue de formation, est journaliste-reporteur, chroniqueur, caricaturiste et illustrateur, reconnu pour son talent et son impertinence. Il est également l’auteur de plusieurs textes littéraires.

[ii] Apulée né vers 125 à Madaure, aujourd’hui M’Daourouche, près de Souk-Ahras, en Algérie, est un brillant touche-à-tout (musique, astronomie, médecine). Ilest le premier romancier au monde et premier auteur algérien.

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