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articles parus dans le quotidien la cite

Où sont passé les débats contradictoires quand à l’écriture de l’a mazigh ?

15 Août 2017 , Rédigé par Hassani Mhamed Publié dans #Tamazight: débats, #articles parus dans le quotidien La Cité

Où sont passé les débats contradictoires

quand à l’écriture de l’a mazigh ?

 

C’est drôle, à chaque fois que facebook fait remonter des souvenirs, je pioche dans mes archives numériques et je tombe sur des débats fort intéressants datant du début de l'après octobre 88 jusqu’aux années 2000 et concernant l'écriture de tamazight en caractères latins : il y avait bien deux courants essentiels, et leur existence incitait au débat. Les amazighophones, à travers Ta Mazgha, suivaient avec intérêt, se documentaient et avançaient dans la maîtrise de tamazight.

Avec la décennie rouge le débat a été brisé au profit des oligarques de tamazight et un silence de troupeau s'est installé dans la mangeoire du système. Tu veux avancer? Applique et tais-toi! Tebghit tamazight? Aru akken ak ed neqqar tessusmet ! C’est la course au premier roman, premier dictionnaire, premier premier…

en marge du festival de poésie trilingue "les poèsiades" de Bejaia, il y a toujours eu un atelier sur l'écriture de ta mazight. ici au Théâtre régionnal de Bgayet où se déroule les poèsiades dans les années 90, de gauche à droite: Sahki Hacen chercheur, Bahbouh Lehsen(Chercheur, Hassani Mhamed auteur, Nekkar Ahmed auteur, Cheradi Hocine chercheur.

L’un des plus grands contradicteurs qui faisait évoluer tamazight était bien Lehsene Bahbouh. Vous n'avez qu'à revisiter les débats qui se déroulaient sur le net. Maintenant qu'il ne dérange plus avec son franc parler et ses coups de gueule, peut-être que ses ouvrages apporteront un peu d'eau au moulin de nos "spécialistes" ? Sinon c'est le silence total et le désintérêt général pour l'écrit a mazigh. De colloque en colloque, comme des fantômes qui errent dans des musées ! On se demande des fois, qui est mort qui est vivant ?

Je suis sidéré, quand un enseignant de tamazight à l'université me dit qu'il a apprécié ma poésie lors de mon passage à la télévision ou à la radio, mais qui m'avoue ne pas avoir lu mes recueils ni d'autres ouvrages en tamazight d’ailleurs.

Encore pire, quand un romancier dans cette langue me confie qu’il n’a même pas relu son propre roman avant d’être édité par le HCA, cette institution qui a refusé d’éditer les travaux de Lehsen Bahbouh !

Qaren agh d : wibghan tamazight at yaru kan, fihel ameyez nigh kra nitên. Eddu em kan am ulli, nezra anda I kun nettawi!

Aussi la programmation par la dynamique association « Lbachir Amellah” d’une rencontre avec tous ceux qui ont des propositions d’écriture en caractères latins est une excellente chose qui peut redynamiser l’intérêt pour notre langue ancêstrale.

 

Mhamed Hassani

Écrivain

 

Description : E:\actba\1794756_493781814075735_1793613772_n.jpg Description : E:\actba\1794756_493781814075735_1793613772_n.jpg Association Culturelle de tamazight                                  « El Bachir Amellah »

 

 

 

 

Fiche technique du séminaire sur la transcription de la langue Amazighe.

 

Préambule:

           

Aujourd'hui, il est nécessaire  de s'ouvrir sur un débat serein pour analyser et porter des critiques sur les différentes alternatives proposées pour la transcription de la langue amazighe sachant que la standardisation de son écriture est un sujet qu'il faut soumettre à une discussion objective, voire scientifique.

A cet effet,  ledit séminaire aura comme sujet : "quelles étaient les différentes transcriptions qui ont été suggérées? et pour laquelle faudrait-il pencher?

 Cependant, cet événement réunira des spécialistes dans les différents domaines et tendances relatifs à la transcription, écrivains, artistes et hommes de lettres, qui animeront des conférences-débat ainsi des ateliers autour de la thématique citée ci-dessus. 

 

Présentation de l’association organisatrice:

 

  • Dénomination de l’association : Association culturelle de Tamazight « EL Bachir   Amellah ».
  • La date de création : 02 décembre 1991.
  • Agrément : 104/91.
  • Dernier renouvellement: 02 janvier 2015 
  • Compte BNA N° 001.00356.0200.001.173/20
  • Le siège social : village Ichekaben ; commune de Feraoun ; wilaya de Bejaïa.
  • Adresse e-mail : elbachir.amellah@laposte.net
  • N° Tél : 0551357205  / 0698907889/ 0797623970

 

 

Date et lieu du séminaire : du 23 au 26 août 2017 à Ichekaben 

Slogan du séminaire 

      Séminaire sur la transcription de la langue amazigh en hommage à L.BAHBOUH, H. CHERRADI, H. SAHKI, M. MAMMERI.

L'objectif du séminaire :

       Connaître les transcriptions proposées pour l'écriture de la langue amazighe.

Le programme des activités du séminaire:

           Heure                      Jour                       

09h30   à   11h30

14h00  à  18h30

19h30  à   00h00

23 Août 2017

-Accueil des invités

 

- Conférence-débat animée par Hacene SAHKI

Sous le thème : l'article Amazigh

Conférence-débat animée par Ramdane ACHAB

Sous le thème: Historique de la notation usuelle de la langue tamazight en caractères latins .

24 Août 2017

- Atelier

- Conférence-débat animée par Mhamed HASSANI

Sous le thème : Que peut nous apporter T irrgoemtt le livre d'orthographe grammatical de Lahsen BAHBOUH  ?

 

Conférence-débat animée par Hocine CHERADI

Sous le thème: Quel alphabet "latin" choisir pour une écriture moderne, scientifique et pratique de la langue maziqhe ,en adéquation avec le 21 éme siècle?

25 Août 2017

- Atelier

-  Présentation et lecture  des PVS des ateliers

Table ronde animée par:

-Mustapha TIJET

-Med arezki FARAD

-Rachid AJAOUT

-Bachir BENAISSA

Sous le thème : transcription de la langue amazighe entre les caractères: Tifinagh, Latins et Arabe .

 

 

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Le 29 juillet 2017 est une belle dat(t)e

7 Août 2017 , Rédigé par Hassani Mhamed Publié dans #articles et entretiens publiés, #articles parus dans le quotidien La Cité

 

Le 29 juillet 2017 est une belle date, paraît-il, moi je doublerais bien le t, pour vous l’offrir en régime. Comme en ta mazight, on ne distingue pas le t et le th ni le v du b encore moins une liaison d’un état d’annexion ou encore un infinitif d’un verbe conjugué ! On ne se reconnaît même pas le droit d’avoir un article alors qu’on l’utilise clandestinement pour faire un dictionnaire ! Mon ami Lehsen Bahbouh, mort d’avoir trop rongé son frein, doit se marrer dans sa tombe pendant que ses travaux dorment dans une mémoire virtuelle. J’avoue que je me sens un peu perdu entre l’élan constructif d’une citoyenneté réveillée et le tournis dervichique de nos élites !

Bah, rien à récupérer donc une perte sèche ! Puis arrive de loin un relent de tempête merdique qui nous rappelle une autre époque ! Vaut-il mieux se tromper d’époque et rester naif, que se tromper de concitoyens et adopter un langage d’oiseau exotique ?

Je ne vous dirais pas le fond de ma pensée, je vous laisse gigoter à son bout !

Je parle de la marche du 29 juillet 2017 à Aokas que nous avons tous savourée mais que nous ne savons pas trop quelle suite lui donner ? Comme notre indépendance, faut-il peut-être la confisquer ?

Un café s’en est suivi et nous sommes tout surpris de ne pas se faire tabasser, ce qui rend moins intéressante la lecture. Et puis c’était comment vendre une télé, même pas un livre !

Puis l’annonce tonitruante d’un baroudeur oublié qui veut ressusciter !

Nous sommes vraiment en perte de repère constructif, notre présent ne nous plaît pas, notre passé nous répugne et notre avenir nous irrite !

Que faire ? Nous ne faisons que du remplissage de temps en croyant sauver notre identité alors que nous nous gargarisons de mots, incapables de nous supporter un moment en se taisant, en s’écoutant respirer, exister, vivre ! Non, il nous faut jacasser sur notre condition d’enfant abandonné qui rejette toute paternité parce que nous avons été trompés plus d’une fois. Alors on dit qu’on est né d’une masturbation de l’histoire, sans géniteur ! On se construira, tout seul, un monde à notre convenance qui nous ira si bien ! Alors, chacun se reconvertie en maçon et oublie de vivre ! On a l’impression de revivre sans arrêt une crise d’adolescence ! On se révolte contre tous et tout : on se prend tous pour des électrons libres et nous clamons notre irrésistible désir de vivre ensemble pendant que nous refusons toute concession à autrui et que nous exigeons la reddition sans discussion !

Vous voyez que moi aussi je peux disserter sur nos tares et psalmodier nos dérives : ça ne changera rien à nos déboires ! L’ennemi reste le même et sa tactique kif-kif ! Rien de nouveau sous le ciel d’Algérie !

On découvre nos vingt ans à la retraite et on exige du monde qu’il les respecte, oubliant ceux qui ont vingt ans aujourd’hui ! Tout le monde se met à jacasser parce qu’il a découvert la parole dans le tard.

Y en a qui se veulent éclaireurs, d’autres baroudeurs, d’autres enquiquineurs, et moi je ne veux plus jouer mais vivre mon troisième âge à contempler mon amour refleurir sur les bords de routes de plus en plus pollués.

 

Mhamed Hassani

Poète citoyen

 

 

 

                                           

Le 29 juillet 2017 est une belle dat(t)eLe 29 juillet 2017 est une belle dat(t)e
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Azdine le briseur de guitares

18 Juin 2017 , Rédigé par Hassani Mhamed Publié dans #articles parus dans le quotidien La Cité, #articles et entretiens publiés

À Azdine[1] le briseur de guitares

Ami de jeunesse et cousin dans l’art. Nous sommes les Icare de notre époque que l’ivresse à emporter sur ses ailes, loin de la terre, sans jamais atteindre le soleil.

On a beau dire de toi ce que tu n’es pas, rares sont ceux qui savent qui tu es. Au fond de ton regard meurtri, le va-et-vient des vagues des jours n’a déposé qu’un relent d’amour, transparent comme une eau-de-vie.

On usait de toi sans te nourrir, comment survivre à cette anémie affective ! Tu leur as si bien dit : si j’avais su que vous m’aimiez tant, je me serais entretenu pour vous faire plaisir. Toute la situation de l’artiste est là, résumée au bord du gouffre. On nous aime quand c’est trop tard, quand ils ne peuvent plus s’engager avec nous.

Tu t’es consumé pour atténuer les douleurs des amoureux du Sahel. Ta flamme brûlait la broussaille des archaïsmes pour crier haut les brûlures des amours interdits.

Nous chevauchions ta musique dans les nuits alcoolisées de notre jeunesse partagée entre le Cap, la Grotte et le Sable d’Or, ce triangle des Bermudes qui a englouti nos rêves précoces.

Soirées mémorables qui avaient introduit la modernité dans les fêtes de mariage. Déplacer le centre d’intérêt du cercle féminin vers la cadence masculine. Une révolution dans les mœurs. On croyait voguer vers la libération complète.

On refaisait nos amours en dansant et on se consolait mutuellement de nos déboires. Tu avais ton idylle à proximité ce qui excitait les fils de ta guitare, j’avais la mienne au-delà de tadart ce qui accélérait la cadence de mes pas. Pendant que tu chantais la blonde aux cheveux jaunes, j’écrivais ma rouquine aux yeux pétillants.

Tu avais un soleil pour te griller publiquement, j’avais une colombe pour m’exiler au de-là du tunnel. Nous rentrions au petit matin à pied en chantant, laissant la vague soupirer profondément comme une mère désespérée devant l’étourdissement de ses enfants.

Azdine l’homme aux innombrables guitares brisées sur les chemins nocturnes qui nous ramenaient vers Tadart, cette ogresse aux seins énormes.

Azdine prisonnier de Tadart n’arrivera pas à s’en arracher. Tous partirent vers des destins autres, lui s’éternisa à changer de guitare au lieu de fuir la malédiction. Il s’éternisa dans cette baie jusqu’à en être le symbole, remplaçant le requin échoué sur la plage. Il a fini par imprimer sa silhouette en bord de mer.

C’est là que je l’ai aperçu la dernière fois, quelques jours avant sa brusque hospitalisation. Il était debout face au large de la Méditerranée, à proximité des faux requins piégés par une inspiration mercantile. Je passais sans m’arrêter, obnubilé par mes préoccupations d’un voyage incertain, comme une fuite programmée. À plusieurs reprises, nous nous sommes promis de faire une halte pour une introspection artistique. Ses yeux brillaient d’espoir. Mais, le temps, ou autre chose, se mettait en travers de ce sincère désir, d’écouter mon ami de jeunesse me conter son rêve escamoté par la malédiction de cette baie des requins qui boude ses enfants. Il refusait de se confier à quiconque mais avait accepté ma proposition.

Faire le point. Voir ce qui peut être sauvé, greffé, réanimé. De report en report la rencontre n’eut jamais lieu. Et son départ se fit alors que j’étais loin.

Et par mon incessante mobilité, qui faisait de moi le sauvage de la tribu, je perdis encore une source d’inspiration. Ce n’était pas la première fois, cela m’était déjà arrivé avec d’autres proches. Et à chaque fois j’ai culpabilisé. Beaucoup partent avec leur richesse au fond du regard. Il est vrai que nous ne pouvons tout retenir d’un être… Mais la société devrait s’organiser pour en cueillir le maximum. Du moins l’essentiel.

Azdine, tu as fini par casser définitivement ta guitare, on a beau essayer de te la remplacer par un Aoud, plus rien ne répondait à ton inspiration. Tu avais tout dit en quelques chansons, et le reste ne t’intéressait plus. On ne faisait que puiser en toi, mais personne ne te nourrissait. Tu étais l’homme d’un seul amour. Tout le monde l’avait compris mais ne pouvait rien faire. L’histoire d’Hélène se répète mais ne se ressemble pas. Déjà adolescent, je me révoltais contre le sacrifice d’Iphigénie. C’était ma première pièce de théâtre.

Azdine fut aussi, pour moi, un personnage de théâtre. Dans l’une de mes premières pièces des années soixante-dix où je voulais mettre en abîme les sources de notre pratique théâtrale, j’avais conclu que le chanteur était la pièce maîtresse de l’évolution des formes archaïques de nos jeux dilués dans nos tâches quotidiennes. Le chant se détachait enfin du travail et devenait autonome, il quittait le rang des moissonneurs pour rejoindre le cercle des maraudeurs. Le jeu théâtral aussi quittait les joutes festives pour rejoindre la scène. J’aimais bien écouter nos chanteurs locaux et nos mères conteuses, je sentais qu’il y avait bien une particularité propre à la communauté du Sahel. Et ça m’inspirait. Parce que cette particularité faisait notre universalité, notre authenticité. Par le théâtre je faisais entrer les personnages autour de moi dans la littérature berbère qui s’élaborait à l’ombre de la dictature. Et Azdine a bien été un de mes personnages dans la pièce « Iwredjej, la cigale » que j’espère monter en son hommage dès que possible.

Le cap, la grotte, le sable d’or ; une guitare une blonde et une colombe ; YemmaTadrart n’a rien pu faire pour ramener Hélène de Troie vers Ithaque. Et les aventures d’Ulysse ne dépassèrent jamais le triangle maudit où le cyclone veille toujours sur le troupeau.

Comment échapper à ce triangle infernal si ce n’est par les airs ? Mais comme Icare il fallait avoir un père ingénieux et un destin fabuleux.

Comment ramener Hélène de ses rêves prestigieux ? YemmaTadrart resta muette et la tribu, débordée, laissa s'échapper l'insoumise, plongeant le troubadour dans un combat inégal. Notre Hélène était une adepte de Prométhée, elle vola le feu et incendia l’obscurité.

Et Hélène se fit oublier jusqu'au jour de la chute d’Icare. Le monde se rappela la morsure et oublia le feu.

Partir à la conquête du feu, c’est creuser un autre tunnel pour échapper au cyclope « Bou yiwet n tét ». Le troglodyte surveille l’unique issue dévorant un par un les récalcitrants du troupeau.

L’autre issue, pratiquée par les plus désespérés, c’est de prendre son envol du sommet de YemmaTadrart et comme Icare se fracasser au pied de la montagne : avoir le mérite d’une brûlure du soleil et se rouler dans la vague caressante de la mer du centre, au pied de la montagne sanctifiée mais impuissante.

Ici se termine mon conte et commence la réalité :

Nous ne traverserons donc jamais ce maudit tunnel ? Pourtant…

 

Mhamed Hassani

Poète et dramaturge

 


[1] Azdine Berkouk est un chanteur compositeur et interprète populaire de la région d’Aokas originaire du même village que l’auteur. Il est décédé le 26 avril 2017 à l’âge de 60 ans, laissant deux ou trois cassettes de chanson. Prise de vitesse par sa disparition, la population d’Aokas et de ses environs tenta de se racheter en lui rendant un vibrant hommage.

 

Azdine le briseur de guitares
Azdine le briseur de guitares
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"la coureuse des vents" meurt à Jérusalem

13 Juin 2016 , Rédigé par Hassani Mhamed Publié dans #articles parus dans le quotidien La Cité

"la coureuse des vents" meurt à Jérusalem
"la coureuse des vents" meurt à Jérusalem

"la coureuse des vents" meurt à Jérusalem

Dès l’ouverture du livre, je retrouve la fraîcheur, faite de timidité et de curiosité, de Louenas qui jeune homme avait l’habitude de se faufiler dans le groupe des grands pour placer sa contradiction au milieu de toutes les affirmations. On le regardait de haut puis, condescendant, on lui rendait la monnaie pour le garder dans le groupe. Il faut dire que notre ouverture d’esprit repêchait tous les aventuriers de la réflexion. Et Louenas en était un.

Dédicace,préambule,citation, je sens Louenas se cabrer, assurer ses arrières, se triturer les doigts avant de se lancer dans sa démonstration… je voulais dire son récit. Le mot m’a échappé parce que beaucoup de nos auteurs me donnent toujours l’impression de vouloir démontrer quelque chose. Alors que la vie nous apprend chaque jour qu’il n’y a rien à démontrer ni à justifier.

À vouloir être tout, ne risque-t-on pas d’être rien ? L’empathieextrême ne nous fait-elle pas basculer dans l’effacement de soi ?L’altéritéest préconisée comme remède à tout étouffement de soi.

La coureuse des vents n’est-elle pas une chimère que notre époque s’entête à faire vivre pour dépasser ses obsessions identitaires ?N’est-elle pas poudre aux yeux sans aucune réalité à défendre ? Tin Hinan, ce mythe fondateur des habitants du désert algérien et ses environs, les touaregs, porte désormais d’autres noms pour survivre aux calamités de la mondialisation. Une forme d’évolution forcée que le hasard façonne au gré des événements ? Empathie et altérité forment le couple à qui incombe d’enfanter notre avenir.

Ethiopia Tin Hinan ou Evangiline, Adis finira déchiquetée par une bombe dans un Moyen-Orientlivré aux extrémismes.

Extraire tous les vocables blessants d’une langue immunise-t-il sa société contre toute violence ?

Une utopie à prendre en infusion matinale. L’écriture est un risque renouvelé.

Est-ce le message aiguisé et affiné des anciens repris par les nouvelles générations ?

Est-ce la même chimère qui nous poursuit loin du berceau ?

Avec Louenas, il faut procéder par questionnement puisque c’est son premier roman qui se présente comme la somme de son parcours, de ses lectures et de ses déboires, depuis le berceau où les contes de grand-mère s’accouplent aux chevauchées de l’ancêtre parti du désert pour s’implanter sur les bords de la méditerranée. Pas étonnant que notre poète face le trajet inverse.

Aventure de l’ouverture, aventure de l’écriture, aventure livresque, aventure altruiste, aventure humaine dans la condition humaine.

Un roman comme un mortier expérimental pour construire des ponts de fraternité et des digues pour contenir nos élans.

La liberté, l’égalité ne sont pas des concepts tombés du ciel, mais des pratiques sociales qui évoluent sans cesse. Ces concepts voyageurs n’ont jamais la même signification à deux endroits différents. Ces concepts doivent être vécus de l’intérieur, non plaqués par des lois étrangères aux mœurs locales.

La littérature crée l’histoire, les villes, les pays, les héros et les traitres, dans nos têtes !Tout est littérature en fin de parcours.

L’absence de littérature écrite présage nos blessures présentes et futures. Nous existons dans la langue de l’autre, nous nous transformons vers l’autre qui lui s’éloigne vers le futur. Aurons-nous notre littérature un jour pour créer nos villes, nos héros, notre géographie ? Pendant que tous rêvent d’un monde sans frontière, les barrières se multiplient là où on s’attend le moins, à nos portes,parfois dans nos maisons.

Le goût de la mer et la brulure du désert traversent ce roman obsédé par la recherche des origines.

Adis, cet esprit pétri de tant d’histoires et d’Histoire, remonte le cours d’eau de sa descendance jusqu’à être emportée par un ressourcement de trop, son pèlerinage au berceau desreligions monothéistes oùun attentat terroriste met fin à sa quête.

Les pays naissent sur du papier, les livres aussi !Les deux brulent facilement quand l’homme est en déficit d’humanité.

Il ne suffit pas de délimiter un territoire pour en faire un pays, il faut encore en consigner la langue et la culture, ses mythes et ses blessures, ses victoires et ses défaites…

Un parallèle fait par l’auteur entre l’histoire de l’Amazonie et leTijna cette oasis paisible prise dans la tourmente, fini de nous ouvrir grand les yeux sur ce qui se trame avec les minorités confrontées aux puissances de l’argent.

Le danger c’est le dollar, l’intégrisme en est l’instrument de pénétration.

Le capital bouscule les sociétés figées qui se blottissent dans les bras des intégrismes de tout bord. Là, me revient en tête « le choc du futur » du futurologue américain Alvin Toffler publié en 1970. Il prédisait que plus de 50% de la société restait à la traine, n’arrivant pas à s’adapter au changement induit par la rapidité de développement des technologies. Or, les sociétés qui ne s’adaptent pas régressent et se replient sur soi, mais ne disparaissent pas au sens physique du terme... Les intégrismes et les guerres civiles d’un côté et l’humanité utile de l’autre.

L’émigration sélective est l’instrument de ce tri qui ne dit pas son nom.

Adis a accompli son cycleidentitaire, la parabole est complète, l’allégorie est mure pour le sacrifice, pour qu’elle reste symbole. Sa dernière quête était-elle celle de trop ou la bonne ? En tout cas son périple l’aura mené là où le conflit renait et se nourrit hors du temps. Au cœur du Moyen-Orient sur la terre de naissance des religions qui s’entrechoquent au son des capitaux.

Le choix de ce lieu pour faire mourir son personnage (Jérusalem) n’est pas fortuit, l’auteur nous montre du doigt un point névralgique de la planète.

Dix chapitres et 262 pages où l'alternance poétique la dispute à la poésiede l'alternance, entre vagues et dunes, avec des passages d’oueds asséchés qu’on aimerait sauter rapidement pour revenir aux chants du désert et de la mer.

Une écriture comme les traces des caravanes sur les chemins sablonneux, pleine d’espoir et d’incertitude.

Le roman de Louenas Hassani, ce coureur des vents, procure plaisir et interrogation.Écrivain de la migrance comme on commence à les identifier ailleurs, il serait souhaitable de le voir édité en Algérie pour une meilleure visibilité de notre diaspora qui continue à s’inspirer du berceau.

Mhamed Hassani

Poète et dramaturge

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Louenas, un romancier qui nous mène de la tribu à la tribune citoyenne

5 Juin 2016 , Rédigé par Hassani Mhamed Publié dans #articles parus dans le quotidien La Cité

Louenas, un romancier qui nous mène de la tribu à la tribune citoyenne

De la tribu à la tribune citoyenne

Je parlerais de Louenas[1] avant de lire son roman dont il m’a annoncé l’arrivée imminente d’un exemplaire dédicacé, dans les bagages d’un de ses amis en visite au berceau. Je prends déjà ce roman comme un message des nouvelles générations en errance. Celle installée au Canada me semble bien bruyante par rapport à celles des autres continents.

Louenas, produit de l’école algérienne fawdamentalisée, a su se désenvouter pour échapper aux griffes de la bête immonde qui a semé la terreur et le meurtre dans les années quatre-vingt-dix dans une Algérie dont la génération précédente vivait sa diversité même sous des dictatures pernicieuses.

Échapper à la bête immonde hors des frontières du berceau n’était pas évident puisque celle-ci exportait ses relents dans les bagages d’autres voyageurs pourtant à la recherche d’un monde meilleur.

Louenas, lui, a pu s’en sortir en replongeant dans les profondeurs de l’humain, y puisant l’élixir qui ouvre les portes du possible. Un élixir au relent des vagues de la mémoire ancestrale couplé à la formulation concrète des vécus d’ailleurs.

Son visage porte les stigmates des nuits blanches où l’homme se bat sur le fil tendu de l’irrationnel, de l’incertitude, dans un équilibre précaire, avec comme seul contrepoids la sagacité ancestrale, qui pousse l’individu à trouver sa voie dans la communauté. Heureusement qu’il a hérité de sa tribu le sens de la mesure et de son contraire.

Ses ancêtres remontent à la surface pour lui plonger la tête dans l’étang des invasions qui n’ont rien changé à leur trajectoire millénaire de résistant.

La résistance est inscrite dans chaque moment comme l’exil l’est dans chaque questionnement. Et le jeune Louenas s’y est préparé en affrontant sa tribu sur ses points les plus sensibles.

Chez nous, nous naissons exilés, notre vie n’est que quête du retour vers la terre pour mieux nourrir les chimères de nos enfants.

Parce que l’exil est une chimère, la génération de Louenas lui préféra la citoyenneté sans frontière. De la tribu à la tribune citoyenne du monde, la logique du combat est évidente. C’est un prolongement naturel des rêves d’enfance qui s’épanouissent loin du berceau pourtant si concerné par cette marche de l’humanité vers des idéaux qui s’entrecroisent à travers la planète.

Les échos qui nous parviennent de nos compatriotes installés au Canada nous renvoient à nos propres préoccupations, à la différence qu’ils font dans la constance ce que nous faisons dans l'urgence. Ils sont à la pointe des exigences citoyennes parce qu’ils savent d’où ils viennent, ils ne veulent pas reproduire les échecs qu’ils ont fuis, ils veulent se donner la chance de vivre leurs rêves humains, loin des entraves tribales et de contribuer à distance à faire évoluer la tribu d’origine.

Sauront-ils apporter leur pierre à l’édifice citoyen sans se couper de leur première source d’inspiration ? La nostalgie du berceau étant très forte dans leur discours, sauront-ils la transmettre à leurs enfants ?

Citoyens du monde, que sont-ils sans l’écho du berceau, de la tribu ? Tout destin humain a besoin de sa tribu pour se reposer de son exil.

Mhamed Hassani

Poète et dramaturge

(Je viens de recevoir le livre en question, j’en ferais la lecture et vous dirais ce qu’il m’inspire comme réflexion dans mon prochain article)

[1] Louenas Hassani auteur de « la coureuse des vents » édité par les éditions L’Interligne 2016 CANADA

Louenas, un romancier qui nous mène de la tribu à la tribune citoyenne
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Hymne à la mère

28 Mai 2016 , Rédigé par Hassani Mhamed Publié dans #articles parus dans le quotidien La Cité

Hymne à la mère
Hymne à la mère

A ma mère

La distance nous nargue et l’attente nous fragilise

La distance nous nargue avec ses frontières malgré nos prouesses technologiques.

L’attente nous fragilise et nous cisaille la fibre de nos émotions.

Le monde se cristallise

Une simple secousse risque de tout faire voler en éclat

Comme un château de cartes mal agencées.

Ma mère s’est arrêtée de respirer dans ce monde. Je l’imagine reprenant son souffle dans l’autre.

Et c’est l’image de la jeune fille qu’elle était, courant sur les pentes verdoyantes de ses collines natales qui surgissent devant mes yeux assoiffés d’elle.

Courir, comme seule une bergère sait le faire, les cheveux dans son foulard aux couleurs chatoyantes, un bâton dans une main et l’autre servant à équilibrer le vol plané de l’alouette… ma mère renaît dans mon imaginaire comme un amour inespéré que j’ai découvert à mon retour d’exil à l’âge de 9 ans.

De cette impression d’être né d’un retour au bercail, vomi par l’ogresse d’outre-mer, d’outre-conte et d’outre-mère ? Je retrouvais la chaleur de l’âtre familiale après avoir échappé à la froideur des guerres urbaines. Je retrouvais ma mère, ma Pénélope, que je devais défendre contre autant de prétendants imaginaires qui voulaient me l’arracher pendant l’absence du père.

Retrouver la mère et la langue d’un futur antérieur, réapprendre les rudiments de ma tribu.

Ma mère, ma conteuse, ma poétesse, ma résistante et ma combattante s’est arrêtée de respirer pour passer en apnée dans l’autre monde, ce monde que je croyais atteindre quand enfant, je retenais mon souffle jusqu’à la limite de l’asphyxie, au moment de basculer, juste le temps d’entrevoir cet univers plein de feux d’artifice et de couleurs musicales enchanteresses. J’en revenais en extase et je prédisais de m’entrainer suffisamment pour tenir le plus longtemps possible. Les limites du possible. Pousser ces limites, oui, mais pourquoi se maintenir dans les limites ? Pourquoi se contenir quand on est destiné à s’épanouir dans une fusion sidérale ?

Ma mère est championne en plongée en apnée, elle a brisé la limite, elle refuse de revenir. L’autre versant a happé son âme de jeune fille abandonnant son corps en dérive sur l’autre continent. C’est pour cela que son âme est arrivée en courant dans mon imagination d’enfant ; c’est pour cela que je la vois pour la première fois, chantant derrière la chèvre sautillante et la vache gourmande sur les versants des collines environnantes. Oui, c’est pour cela, que je pleurais si facilement, quand j’entendais le son de sa voix, me dicter le vers de son prochain départ.

Ô mort !

Mais je me disais que c’était la complainte des anciens, un vestige dans sa mémoire d’exilée, loin du murmure de la fontaine qui l’a vue naître…

Dans mon imaginaire, elle se confondait avec l’âme de ce village dont elle connaissait l’histoire des ancêtres les plus lointains. Elle était « tassadit » la paisible, elle faisait preuve d’un incroyable sens de la répartie et tenait par-dessus tout à communiquer toute la culture de son village, de son peuple, dans tous les domaines : chants, poterie, tissage et… elle avait la main verte même dans son exil parisien.

Oui, son âme est déjà là, parmi les fontaines et les collines, alors que son corps est toujours prisonnier au pays de son exil. Son âme est rentrée dès le deuxième jour, après avoir visité les lieux de ses sœurs d’exil, elle est rentrée visiter les lieux de sa naissance avant que le monde ne se réveille et commence à s’affoler.

Ma mère, ma Pénélope, que d’ouvrages tissés dans les nuits froides pendant que ton homme tissait son exil, que de cruches tu as lissées, rêvant de caresser le visage de l’être aimé, que de chants tu as inventés pour combler le silence de l’absent et que de combats tu as menés pour nourrir et couvrir tes enfants !

Tu n’as jamais abdiqué ni baissé les bras, ta révolte était mienne à chaque fois que l’injustice tribale t’agressait. Toi qui es destiné à enchanter le monde on a cherché à restreindre ton horizon.

Mère, Ô Mère ! Yemma ce doux chant que je fredonnais blotti contre ta poitrine nourricière ! Il m’arrivait d’écraser tes lèvres sous un baiser furieux pour bloquer ta parole révoltée de peur que l’autre ne t’entende et te violente.

Yemma, je ne pourrais m’arrêter d’écrire ton nom tellement sa musicalité berce et endort mon cœur chargé de chagrin.

Tassaadit, la foi et la chance

Tassaadit la bien heureuse

Assa tedda d tislit aujourd’hui elle se mari.

Et j’imagine mon père, ton homme, t’accueillir sur l’autre versant, te disant, tu as trop tardé, c’était mon exil et non pas le tien ! Nos femmes n’étaient pas destinées à l’exil ! Et toi tu as fini en exil ! Te voilà coincée là-bas, ton âme est bien arrivée, mais depuis quand nos femmes se séparent de leur âme ?

Et elle, de lui répondre avec malice et bon appoint :

Je voulais ce dernier voyage dans un cercueil, je ne voulais pas qu’on tripote mon corps détruit par la maladie, je voulais sauver les apparences une dernière fois, partir avec ma fierté, que tous puissent dire, elle est partie proprement sans trop souffrir comme toi tu es parti silencieusement, à ce jour ils parlent fièrement de toi, nous l’avons accompagné il était debout jusqu’au bout. J’étais plus malade que toi quand tu es parti mon cher mari ! Alors tu vois tous mes combats ? Faut bien terminer sur une note d’optimisme, que je fasse ma propre mise en scène. Je ne compte sur personne pour ça. Mon voyage est important, il faut donner le temps à chacun de se souvenir de moi, il faut leur expliquer que la fin n’est pas une fin, mais le début d’autre chose. Tes petits fils se sont bien occupés de moi pendant que leurs pères attendaient au pays.

Alors mon cher homme devant l’éternel, tu peux dire, nous pouvons dire, mission accomplie dans ce monde. Ils se débrouilleront bien sans nous. Tu peux reposer en paix. Nous pouvons reposer en paix.

Oui, paix à vos âmes, chers parents.

Mhamed HASSANI

Hymne à la mère
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Deuxième texte du tandem

8 Mai 2016 , Rédigé par Hassani Mhamed Publié dans #articles parus dans le quotidien La Cité

l'artiste peintre Meziane Boussaid

l'artiste peintre Meziane Boussaid

Deuxième texte du tandem

III

ILI ! Koun ! Sois !

« ILI ! », ce verbe composé de trois lettres, conjugué à l’impératif, n’a pas été écrit pour ces tableaux.

Ces tableaux, ces toiles nées d’inspirations et de visions différentes, n’ont pas été peints pour illustrer ce verbe. Ils se veulent et Ils sont ce verbe.

Leur mise en présence n’est pas fortuite. Elle s’est faite par la volonté de leurs auteurs qui recherchaient un sens commun, une direction commune, caché dans le chaos du présent.

Par la volonté inspirée, les couleurs et le verbe convolèrent en juste noce pour produire l’effet surprise chez le regardeur.

Une chorégraphie inspirée d’une musique né d’un printemps idéalisé.

Du désir d’être est né le désir de plaire, de séduire et d’aimer, de durer.

Le poète s’en lave les doigts à partir du moment où la couleur, la musique et la voix, s’en mêlent. Le verbe a vaincu le néant, il peut reprendre son questionnement-cheminement à la base, chevaucher l’emphase, jusqu’à ce que son regard heurte l’obstacle, la toile qui marquera l’arrêt : le temps de mettre des couleurs sur ses maux, des nuances dans son vers et un sens à ses élucubrations.

La couleur, le beau, la musique, chacun provoque le verbe qui se veut sens en dérive.La couleur est orpheline du verbe dans un espace où l’on demande l’autorisation d’exister, d’être.

Le verbe « ili »est une prouesse de l’esprit qui ne se reconnait pas dans la prison des sens interdits. Il recherche la fissure pour l’élargir et aller plus loin que la ligne d’horizon où la nuance vibratile se cultive comme un parfum non identifié.

Le tableau vient-il à la rencontre du verbe et le verbe coure-t-il à la rencontre de la couleur ? en vérité, verbe et couleur créent l’illusion d’une harmonie salutaire pour le regardeur pris de vitesse.

Ce que les artistes ont réussi, c’est la transposition des œuvres dans un même espace de réflexion, de rêve et de cheminement.

Le verbe arrive des profondeurs chaotiques pour célébrer un présent désarticulé. Il s’habille de couleurs insensées et danse une chorégraphie bigarrée pour mettre de l’ordre dans le désordre des sens ankylosés.

La couleur se propage dans les interstices mal colmatées pour solidifier la construction édifiée sur des volontés engourdies. Les formes naissent du désir de se libérer pour atteindre la lumière naissante de la possibilité.

La danse lumineuse des visions vivifie le corps du regardeur qui s’entraine, les mains dans les poches, en s’apprêtant à sortir d’un léger pas, pour inviter son prochain à cette nouvelle valse des sentiments naissants.

Je me tourne, enjoué, vers le regard-inquisiteur qui réprime l’implosion des couleurs qui se grisent en son intérieur mais partent en cendre à l’extérieur. Laissons le temps réduire la distance mais ne lâchons pas le pinceau ni le roseau, que la musique entame sa randonnée pour relever les âmes meurtries et libérer les énergies cloîtrées.

Mhamed Hassani

Deuxième texte du tandemDeuxième texte du tandem
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Premier texte du tandem

8 Mai 2016 , Rédigé par Hassani Mhamed Publié dans #articles parus dans le quotidien La Cité

l'artiste peintre Salah Ait Mehdi
l'artiste peintre Salah Ait Mehdi

l'artiste peintre Salah Ait Mehdi

II
Ili ! Koun ! Sois !

 

    ILI ! n’a pas été écrit pour ces tableaux, ni inspiré par eux.

    Ces tableaux n’ont pas été créé pour ILI ! ni inspiré de lui.

    Leur rencontre a été un coup de foudre, une révélation, une fusion momentanée.

  ILI ! est l’expression d’un besoin de vie, d’une prise de vie, d’un moment d’extrême révolte où l’homme est prêt à écraser l’homme pour être ! Une extrême violence. L’extrême violence qui met au monde la vie au risque de tuer la mère. Parce que la vie ne fait pas de demi-mesure, elle est entière ou n’est pas.

   Le verbe cheminait depuis l’antiquité, suivant les vallées profondes et sinueuses aux façades ardoisées et glissantes, cherchant un point d’accroche pour s’y fixer et commencer son ascension vers le ciel, vers les sommets qui repoussent les lignes d’horizon. Le verbe est un alpiniste.

   Les parois lisses renvoient l’écho du verbe dans une musique aérienne qui rythme la marche et simule le vol. L’ascension est déjà une vue de l’esprit ! L’envol est éphémère et le sommet une idée préconçue.

   Alors la main qui glissait sur les paroisses se blessa et laissa son empreinte-sang sur l’ardoise. Le verbe trouva son appui et l’ascension commença, et la couleur se matérialisa, pris le verbe en amant pour se reproduire sur les parois de toute nature qui murent la vallée heureuse de la naissance, accompagné par l’écho murmuré des mots. Cette danse à trois fut rendu possible et nécessaire pour vaincre le temps, escalader les paroisses et voltiger sur les sommets pour éloigner les horizons.

   La rencontre du verbe et de la couleur n’est pas fortuite, ni accidentelle ; elle est un appel à la fécondité, comme les signes de nos potières sur l’argile séchée, à mi chemin du regard et de la parole. Une fusion du message dans le beau et l’utile.

    C’est par la volonté des auteurs que le sens nouveaux fût.

    Que le dépassement fût, que l’ascension commença et que l’idée germa.

  Séduire au-delà de l’apparence, creuser la paroisse du quotidien, figurer l’empreinte du temps comme la progression vers le sommet !

   Et la danse fut possible, donnant naissance à une nouvelle chorégraphie du sens surprenant un public en flagrant de paresse.

    Du désir d’être au plaisir de plaire, de séduire et d’aimer l’autre, pour féconder le regard qui escalade les paroisses lisses du quotidien à la recherche d’une hauteur pour élargir son horizon.

    L’objectif serait-il à la portée du simple désir ?

    Le poète s’en lave les doigts puisque l’autres’éveille à la caresse du vent.

    La toile, vient-elle à la rencontre du verbe ? Et le verbe court- il dans les bras de la toile ? Illusions de complémentarité, de solidarité, de complicité ou effet de miroir ? L’artiste ne compte plus, seul le regardeur qui s’affranchie de toute tutelle. En possession de ces deux béquilles, il part à la recherche d’un tout, d’une harmonie perdue. Le verbe et la couleur s’accouplent dans la pénombre du regard, sans autorisation préalable, un rapport de circonstance qui provoque un orgasme cathartique.

    Les artistes se retirent pudiquement dans leur retraite réparatrice et préparatrice d’autres installations qui surprendront le regardeur impénitent tenter l’alpinisme des paroisses de l’esprit.

    L’esprit de l’exposition est dans cette provocation picturale que le verbe triture jusqu’à la libération du message inattendu, insoupçonné avant la rencontre jouissive.

   Le poète, ce manager des âmes, se prête volontiers à cette manipulation des regards. C’est encore là, l’infini sens à donner à toute performance : rechercher dans l’apparent chaos, l’harmonie qui donne du sens à la présence humaine. Construire des digues, des ponts, des passerelles, même imaginaires, pour relier les éléments entre eux.

    Les mots endiguent le sens. Ils arrivent de loin pour réveiller la curiosité des premiers temps.

      Sortir de l’informel des couleurs primaires et embrasser les nuances du présent, telle est l’ambition de ce coït « pictoverbal » qui prend en otage le regardeur, le temps d’une jouissive euphorie qui le libère de ses entraves quotidiennes pour voir d’un autre angle, la vie s’ébrouer.

    Je me charge du regard inquisiteur en le piégeant dans sa tiédeur par une implosion de couleurs qui le grise de l’intérieur. C’est le contact avec l’air libre qui menace de transformer sa flamme en cendre grise. Le verbe, comme une allumette, guette les embouchures, pour rallumer le feu et relancer l’escalade vers les hauteurs.

Mhamed Hassani

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Double tandem poético-pictural

5 Mai 2016 , Rédigé par Hassani Mhamed Publié dans #articles parus dans le quotidien La Cité

Double tandem poético-pictural

Double Tandem poètico-pictoral

Les deux textes qui vont suivre sont la mise au propre (l’une est de trop peut-être) de la même prise de note gribouillée sur ma tablette la nuit de mon retour d’AitBouada (Azazgayennayer 2016) où j’ai rencontré mes amis Salah et Meziane. Eux exposaient, moi j’étais invité pour déclamer. Deux jeunes filles l’ont fait à ma place. Elles ont déclamé « Ili ! »,signant par là le détachement du texte de son auteur.Le texte appartient à ses lecteurs. Puis, Meziane relança le projet dormant d’une brochure où peinture et verbe s’affronteraient, se côtoieraient ou se confondraient, en réaction à l’exposition collective « Ili, sois, Koun ! » organisée au printemps 2015 au centre culturel Mustapha Kateb d’Alger.« Ili ! »virevoltait comme une abeille qui n’arrête pas de faire son miel dans la caboche de mes amis artistes.

Pourquoi ? me suis-je dis à chaque fois. Quel est ce pollen que l’âme aime butiner dans « Ili ! » ? De retour, l’idée se creuse et je me décidais à écrire un autre texte pour introduire cette brochure que Meziane tenait à concrétiser comme une étape importante de son art et de celui de ses amis.

Dans la nuit du retour, j’ai été réveillé par un rêve qui se résume en une scène théâtrale où le rouge dominait comme celui d’un enfantement dans le sang. Une danse de trois tableaux blancs et des trois lettres de ILI, figurait une chorégraphie nouvelle pour exprimer, marquer, signifier une direction à prendre. Cette chorégraphie sur fond de musique exponentiellement suggestive et d’un éclairage rougeoyant était soutenue par trois jeunes filles qui tenaient les toiles et trois garçons qui brandissaient les lettres en tifinagh de ILI.

Cette danse rêvée, me rappelait une performance de Salah réalisé avec les étudiants de l’école des beaux arts d’Azazga, au printemps des arts de 2015. Une autre obsession de Salah : le pinceau à l’assaut de la toile ou la toile qui se frotte au pinceau ? Le coït aérien se termine par la naissance de l’œuvre.

L’insistance de Meziane depuis l’expo d’Alger, me dérangeait au départ, puis s’est transformer petit à petit en sens. Cette soif de nos peintres à faire parvenir un message. Le message de leur exil dans un pays qui les ignore superbement. On en veut comme décor mais surtout pas de message !

Me revientaussi l’exposition du 5 octobre 2015, organisée par le collectif « octobre artistique » pour commémorer les événements du 5 octobre 1988 à Bejaia. En plus de Salah et de Meziane, beaucoup d’autres ont rejoint l’initiative. Le plus intéressant et révélateur, c’est quand, au nom du collectif, j’ai sollicité l’administration pour l’occupation des halls du théâtre de la ville. D’abord elle a rejetéla notion de collectif, la réduisant à un seul nom, puis elle a refusé qu’il y est prise de parole poétique. Il est vrai que la conjoncture était un peu tendue, l’association des victimes d’octobre 1988 faisait du bruit à revendiquer un statut pourles victimes de ces événements.Pendant que tous, nous revendiquions la mémoire de tous les soulèvements populaires depuis l’antiquité. L’administration me disait :« exposer oui, c’est muet, culturel et c’est immuable,mais prendre la parole, même poétique, c’est politique !Même si au départ ça ne l’est pas, ça peut le devenir en cours de route ».L’administration est géniale ! elle a tout compris, il n’ya que nos éditeurs qui n’ont rien compris à la poésie !

En final, je conclue quela peinture ne dérange pas. Nos peintres n’ont-ils pas encore trouver la peinture qui dérange ? La poésie, une certaine poésie ? même couchée sur papier, dérange.Alors quand elle est déclamée...

Le pouvoir en place s’entête à ne pas reconnaitre nos dates symboliques chargées de nos avancées authentiques. Le monde des arts ne s’y trompe pas. Il a en tête le printemps 1980 et « ILI ! » a été écrit en plein dedans. Il a en tête toutes les dates et Ili ! les a traversé ! chaque date a pioché sa lettre.

Toutes les dates seront libérées de l’oubli pour que les mémoires s’apaisent et se fructifient.

L’insistance de Meziane[1] est salutaire. D’un regard félin il provoque la matière et prépare la fusion du groupe dans un métal précieux. Il se cherche et je me cherche dans son identité secrète.

Le sourire ensoleillé de Salah[2] m’y encourage, lui l’artiste performeur. La flamboyance qui accompagne toute révélation.

(à suivre)

Mhamed Hassani

Poète et dramaturge

NB : La librairie El Idjetihad organise une expo-vente des oeuvres des deux artistes peintres Ait Mehdi Salah et Boussai Meziane du 23 avril au 8 mai 2016. Il sera possible d’acquérir leurs œuvres. Le vernissage se fera après la rencontre avec le poète Mhamed Hassani.

[1]Meziane Boussaid artiste peintre

[2] Salah Ait Mehdi artiste peintre

Double tandem poético-pictural
Double tandem poético-pictural
Double tandem poético-pictural
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On décapite les statues comme on refait les trottoirs et on rase les forêts comme on rase sa moustache...

10 Mars 2016 , Rédigé par Hassani Mhamed Publié dans #articles parus dans le quotidien La Cité

buste de Said Mekbel échangé sans aucune concertation et statue du soldat inconnu en pleine démolition montrant du doigt ses destructeurs.buste de Said Mekbel échangé sans aucune concertation et statue du soldat inconnu en pleine démolition montrant du doigt ses destructeurs.

buste de Said Mekbel échangé sans aucune concertation et statue du soldat inconnu en pleine démolition montrant du doigt ses destructeurs.

On décapite les statues comme on refait les trottoirs  et on rase les forêts comme on rase sa moustache...On décapite les statues comme on refait les trottoirs  et on rase les forêts comme on rase sa moustache...

On décapite les statues comme on refait les trottoirs

et on rase les forêts comme on rase sa moustache...

En Algérie, le pays où j’ai grandi, travaillé et aimé, je suis en instance d’être lessivé liquidé ou expédier. Donc, je suis toujours là, à psalmodier mon poème hérité, ma devise atrophiée et mon rêve cueilli sur le pétale d’une fleur non encore identifiée.

Dans cette Algérie, on décapite les statues pour les remplacer aussi souvent qu'on refait les trottoirs et les lampadaires. Comme quoi tout est éphémère, même l'art est provisoire.

On se réveille un bon matin, une statue est fracassée, de façon spectaculaire, comme une vengeance divine.Les débris témoignent d’une violence gratuite, blessante.Un irrespect envers tous, le symbole, l’artiste et la population ! Le silence criminel, la suspicion qui plane, l’incompréhension générale, puis une voix autorisée nous miaule dans le haut-parleur d’une instance « élue » que vous en aurez une meilleure, une flamboyante, digne du symbole. Ça calme les clameurs d’indignation et dégonfle la fureur virtuelle des adorateurs du symbole.

Tout le monde s’en fiche, retourne à ses occupations, à part le vagabond du coin, privé de son compagnon même silencieux et moche. Il s’était habitué à dialoguer avec la tête moustachue de Said Mekbel qui le regardait attristée par tant de négligences attentatoires. Puis voilà qu’il se retrouve devant une tête fracassée, un assassinat déguisé... « Même mes amis de pierre n’échappent pas à la jalousie des êtres immondes. Il alla pleurer sous le bras d’une autre statue avant qu’on l’estropie à son tour.

Je les entends nous dire derrière leur air incrédule : “On fait les choses pour se faire plaisir d’abord et vous embêter ensuite. Quand on veut vous faire plaisir c’est pour nous enrichir à vos dépens, mais sans jamais demander votre avis. Puis quand vous vous habituez, à nos mocheries, on les démolit sans vous consulter, vous laissant sans voix. Si vous gueulez, on vous en sert une autre toute prête et beaucoup plus chère donc surement plus belle dans vos têtes atrophiées ! on ne vous a jamais encore sollicité pour vous permettre de rouspéter, ni laisser l’artiste s’exprimer puisqu’on lui donne à manger. Tout est matière à s'enrichir, tout questionnement ne peut qu'être matériel. Un éternel recommencement pour remplir nos poches trouées en manipulant vos symboles de liberté.”

En Algérie, on rase les forêts aussi facilement qu'on se rase la moustache, à la différence que la moustache repousse en poils alors que la forêt repousse en béton.

On rase les jardins dans les quartiers populaires, on ne leur laisse que le béton comme oreiller, aux enfants des ouvriers, en Algérie, ce beau pays où je suis né.

Ils s’enrichissent rapidement, sans avoir le temps de digérer, dans un bâillement d’hippopotame, ils avalent nos paysages et nos idoles, sans manière ni précaution, sans culture ni oraison.

Ils nous font mal avec leur rictus dédaigneux à la place du sourire de l’enfant qu’ils étaient avant d’être violenté par la richesse mal acquise. Ils courent à leur perte et à la nôtre. Ils ne savent plus s’arrêter, ils pensent habiter la jungle et appartenir à une meute qui doit dominer

Et nous, on se mure dans le murmure de nos blessures et on s’accroche aux illusions de notre génération qui a pioché comme dingue et semer sans digue pour que le pays fleurisse dans ses moindres replis.

En Algérie, le pays où je suis né, où je vis, on se fiche éperdument de mon avis, sauf quand je menace de déborder et de tout emporter, alors on fait semblant de m'écouter, le temps de m'isoler de mes camarades pour me neutraliser et me culpabiliser. Et je recommence à maudire mes camarades qui m’ont abandonné pour une once de tranquillité à l’ombre d’un emploi mal rémunéré.

En Algérie, le pays où j’ai grandi, travaillé et aimé, on ne m’a pas encore lessivé liquidé ou expédier. Je suis toujours là, à psalmodier mon poème hérité, ma devise atrophiée et mon rêve cueilli sur le pétale d’une fleur non encore identifiée.

En Algérie, cette parcelle de la terre des hommes, j’insiste pour qu’on n’oublie pas que c’est mon pays, je marche pieds nus à la rencontre de mon destin qui se confond dans le sien.

Allons-y camarades! Je vous entends piaffer dans les allées de nos jardins saccagés et je les entends grogner et s’empiffrer comme des sangliers dans nos vergers spoliés.

Je vous entends chantonner cet air ancien que nos mères fredonnaient pour calmer notre faim ou encourager notre audace juvénile.

Je les entends se bousculer dans les couloirs du pouvoir obscur pour ouvrir davantage les veines de l’Algérie et se gargariser de son sang rouge vie.

Debout camarades, notre souvenir est commun, notre avenir est soudain, notre Algérie ce morceau de terre chaude est bien vivante, elle bouillonne sous nos pieds et brille dans les cieux, elle nous intègre dans son tumultueux devenir.

Mhamed HASSANI

Poète et dramaturge

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